À la rencontre des superviseurs : Daniel Beaupré, école Eulalie-Durocher

Aujourd’hui, nous vous faisons connaître un homme œuvrant dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Daniel Beaupré est en charge de l’entretien et de l’intendance pour l’école Eulalie-Durocher.


Aujourd’hui, nous vous faisons connaître un homme œuvrant dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Daniel Beaupré est en charge de l’entretien et de l’intendance pour l’école Eulalie-Durocher, et il a le sens de la justice alternative tatoué sur le cœur. Il accueille des jeunes de Trajet depuis 7 ans, et il travaillait auparavant dans une école d’un quartier couvert par un autre OJA, où il a accueilli des adolescents pendant 12 ans. Daniel nous parle de son expérience après 19 ans passés à accueillir des jeunes en travaux communautaires.

Daniel, quelle est votre motivation à accueillir ces jeunes qui ne sont pas toujours faciles ni volontaires ?

Je suis une personne qui croit en la vie. C’est pour cela que j’ai eu des enfants et aussi que j’aime travailler dans un milieu où je croise des jeunes. J’ai la certitude que le bonheur se trouve en redonnant ce qu’on a reçu. Je considère que nous avons une très belle jeunesse qui vit dans un monde à problèmes multiples : ils ont beaucoup de choix devant eux, les choses se passent très vite, plusieurs métiers auxquels ils rêvaient il y a 3 ou 4 ans sont en déclin, tout change vite… Pour moi, accueillir des jeunes pour qu’ils viennent aider les concierges, c’est leur faire confiance, c’est prendre le temps de leur parler, de leur montrer par l’exemple ce qu’est le respect, la fierté du travail bien accompli. C’est aussi leur transmettre l’espoir et contribuer à bâtir le monde de demain. Ce sont les futurs adultes qui prendront des décisions, nous devons les aider à se préparer à prendre des décisions éclairées ; si je peux faire une différence, et bien je la fais.

Pouvez-vous nous dire comment vous vous y prenez lorsque vous accueillez un jeune ?

C’est toujours dans la bonne humeur. Je commence par le remercier de venir m’aider parce que le travail ici, ce n’est pas ce qui manque ! Puis, si c’est un jeune qui s’ouvre et qui veut jaser, on peut aller dans des discussions plus personnelles, pas par curiosité mais avec respect. Je dis parfois aux jeunes que jusqu’à l’âge de 14 ans, j’avais tendance à pleurer sur mon sort et que rien ne bougeait. Mais j’ai rencontré de bonnes personnes qui m’ont tendu la main dans des moments difficiles et j’ai réalisé que de prendre notre vie en main, de prendre nos responsabilités, c’est ça qui procure la plus grande satisfaction. Je ne suis pas là pour les juger, mais pour leur démontrer qu’on peut toujours régler nos situations, même celles qui nous paraissent les plus insurmontables. Et franchement, ils m’aident beaucoup et je leur dis merci, c’est important pour eux d’être reconnus dans leur travail. Ici, c’est un milieu parfait pour les jeunes, car tout le personnel de l’école croit en eux. De plus, ils peuvent observer que tous les jeunes qui fréquentent l’école sont des jeunes qui ont abandonné et qui se sont repris en main, ils sont la preuve vivante qu’on peut toujours se reprendre.

Conseilleriez-vous à d’autres organismes de recevoir des jeunes en travaux communautaires ?

Bien sûr, c’est un beau programme pour les jeunes et c’est gratifiant pour nous aussi. Même si je n’ai pas étudié dans le domaine, j’ai l’occasion d’aider des jeunes à s’en sortir, et le plus souvent, il y a une réussite là-dedans pour moi comme pour les jeunes. Vous savez, dans chaque personne il y a du bon, et quand un jeune ne va pas au bout de ses heures, je me dis qu’il n’était pas prêt, qu’il sera prêt plus tard et dans un autre contexte ; mais il vivra une réussite, c’est certain, si quelqu’un prend le temps de l’écouter.

Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?

Je ne sais pas si c’est une anecdote, mais j’ai un souvenir particulier d’un jeune qui avait presque complété ses heures et qui, tout à coup, voulait tout laisser tomber. Il ne se sentait pas bien, je ne sais pas pourquoi… Il voulait juste s’en aller. Je lui ai suggéré de prendre une pause et de relaxer, puis je suis revenu jaser avec lui une dizaine de minutes. Je me souviens qu’il ne voulait plus s’en aller, mais il avait besoin de jaser, il était un peu découragé, ne voyait plus de sens à ce qu’il faisait. Je lui ai dit que j’étais persuadé que le bon allait arriver. Puis il a fini ses heures et je lui ai souligné sa grande maturité. Il était tellement fier de lui. Il avait raison, parce que la réussite c’est d’avoir surmonté ses peurs, ses angoisses et ses erreurs ; c’est plus important que d’avoir fait un nombre d’heures. Il est arrivé quelquefois aussi qu’un jeune vienne me voir et me demande : « Vous souvenez-vous de moi ? J’ai fait des travaux communautaires ici il y a 6 mois, 1 an… » Ils viennent me montrer qu’ils ont décidé de reprendre l’école. Ils ne le savent pas, mais c’est le plus beau remerciement que je peux recevoir. On ne mesure pas toujours l’impact positif qu’on peut avoir sur les jeunes, mais quand on demeure ouvert à eux, c’est certain que l’impact est là.